mardi 22 octobre 2013

commencé quelques heures en Mars 2000 - relu en Août 2007 - pas continué alors - peut-être continuerai-je... reprendrai-je ...



UN
OU PLUSIEURS
CONTES EROTIQUES
POUR
HELENE














Elle se retourna, le ventre sur le drap, le dos à l’air, les fesses au repos, indolente. Elle avait compris que l’amant, son amant, l’homme aux cheveux gris et aux yeux bruns, appréciait qu’elle ne se releva pas aussitôt loes choses faites, faites un moment, accomplies un autre, manquées un troisième. Il l’avait initiée, du moins le lui donnait-elle à croire, sans qu’elle mente même à elle-même, qu’est-ce qu’une initiation, un commencement ? Elle avait beaucoup, en ce sens-là, attendu. Attendu ? C’est elle qui, une nuit, une nuit qui devait être la dernière avant longtemps, avait pris les devants, c’est-à-dire contemplé un instant ce sommeil masculin, ces lourdeurs qui pesaient dans un lit d’hôtel, une chambre trop petite, et sans fenêtre à ouvrir pour le dehors, et puis elle avait lentement, prenant garde de l’éveiller, avec douceur et amusement, comme si elle jouait une comédie, pour qui ? pour lui, qui à son réveil ? … ou pour elle, ou pour quelqu’invisible spectateur, ses amis, ses amies de là-bas ? ses parents, témoins qu’elle avait physiquement changé plus encore depuis qu’elle s’était censément fiancée, mais elle était seule à savoir qu’ils ne « faisaient » pas l’amour, elle avait réfléchi à tout ce contexte comme si ce devait être un ultime vêtement, une sorte de jeunesse d’un passé qui allait finir, et puis d’une main elle avait animé doucement, avec une science qu’elle se savait d’instinct, le sexe qui avait cessé de gésir, endormi autant que le visage, que tout le corps, et de l’autre, elle s’était ouverte elle-même, s’était apprêtée, puis lentement elle avait escaladé d’un genou, d’une jambe toute la chair allongée et sommeilleuse, et enfin, tranquillement, elle s’était enfoncée en elle cette partie de lui. Il ne se souvint pas comment elle l’avait éveillé, et plus tard, dès le lendemain, il ne saurait plus s’il avait ouvert les yeux, regardé tandis qu’en grande savante du plaisir, de leur plaisir, de tous les commencements, elle était assise sur son ventre à lui, sur son propre sexe englouti par elle. Pris, enlacé.
Elle s’était retournée, elle le dévisagea, elle voulait bien rester au lit, lui complaire mais qu’il l’occupât ! (de grâce).  Ils venaient de refaire la cérémonie de presque tous les jours, elle n’avait envie de rien, mais pas non plus de demeurer allongée contre lui, au lit, à attendre, à compter, à rêver ce qu’elle n’aurait su dire. Elle regarda pour lui sourire et voir s’il accepterait son sourire. C’était une époque où lui plaire, lui importait encore : à elle.

Il bailla, du moins il en fit mine, la bouche ouverte, mais les yeux fermés étaient d’un homme, non d’une femme recevant un sexe plein. Si tu as encore quelques minutes à m’accorder, dit-il avec cérémonie, et en lui passant la main aux deux creux des reins – elle n’aimait pas qu’il mit les doigts ailleurs, et il le regrettait… Oui… elle était distraite, mais par rien, sans doute était-elle dans cette disposition où l’on pense qu’on serait mieux ailleurs, mais cette once d’énergie qui fait se mouvoir, se relever, elle ne l’avait pas, elle demeurait là et répondit distraitement. Elle aussi bailla. Il commença alors : tu te souviens des contes des mille-et-une nuits ? Les as-tu lus ? cette femme, placée dans le lit du Sultan, et qui est exécutée, étranglée, décapitée, empalée, le conteur de ne le dit pas, sinon que c’est le rite, les concubines, les épouses, peu importent grades et qualités, se succèdent. Chaque nuit, une nouvelle, mais elles sont toutes les mêmes, et c’est d’ailleurs tout le piment de cette présentation du même menu jusqu’à l’infini, jusqu’à ce que les jours du Sultan se soient écoulés, ce que le conteur ne dit pas non plus. Bref, il s’ennuie et n’est pas séduit. Or, il fut une fois, où la courtisane, qui comme des milliers (ou des centaines, soyons réalistes, le Sultan devait aller à la guerre ou parfois prendre un garçon ou encore oublier de donner la clé à l’introducteur de la nouvelle condamnée) allait donc mourir après une nuit où il n’est pas certain qu’elle aurait connu la volupté ou pénétré le mystère de cet homme, ne pouvant jouir et désirer que selon une mise à mort certaine et qu’à deux ils imaginaient en s’étreignant, se tregardant, se perdant l’un par l’autre, mais uniquement pour le plaisir, car la mort n’était que pour la maîtresse – probablement fécondée. Jeu royal pour n’avoir pas de descendance, origine toute humaine de la contraception ? Or, il fut une fois, où les choses vite commises, la concubine de cette nuit-là reprit la parole une fois les soupirs de rigueur poussés, comptés et mimés. Elle raconta une histoire et se garda de l’achever, elle eut droit à une seconde nuit, elle avait passionné. Tu connais la suite, mille et une nuits outu la deviens : on a trois ans ensemble… ils ont…

Voilà commence l’histoire, c’est toi peut-être. Il fait nuit, est-ce une forêt comme dans les opéras, il y aurait un décor de pénombre et de forêt ? est-ce vraiment une forêt ? y entend-on des bruits, des souffles, est-ce une vraie nuit, ou seulement une obscurité ? y a-t-il des respoirations ? Oui, elle est nue, je ne saurais te dire, à l’instant, pourquoi. Elle est nue, debout dans cette nuit et dans cette forêt, et voici que sont à ses côtés, sans transition avec l’instant où elle était nue, seulement nue dans la nuit, la peau si claire qu’il en rauonnait une sorte de lumière très douce, très faible, mais insistante. On la distinguait pâle de peau, détachée de la nuit qui l’entourait. Etait-elle sortie de chez elle ? d’une chambre d’enfant, la sienne, de celle d’un mari, d’un amant ? Attendait-elle quelqu’un ? A ses côtés, soudain, donc, deux hommes, deux êtres, l’un tout le corps peint en noir, sauf le sexe, qui est peint en blanc, et il a le visage couvert d’un masque blanc aussi. Un masque pour qu’on épie ses yeux, qu’on devine s’il regarde et ce qu’il regarde, mais qu’on ne sache pas voir vraiment ses yeux. C’est un homme, plutôt bien fait de corps, qui est nu mais peint en noir et blanc. Et un second, lui aussi peint de la même façon mais en couleurs contraires :un masque noir, un sexe noir, le sexe noir, et tout le corps, les épaules, les pieds, la raie des fesses, le dos musclé en blanc. C’est un blanc artificiel, très blanc, alors qu’elle, sa peau, est d’un blanc d’ivoire, qui a sa propre luminescence. Eux, il faut qu’une certaine lumière vienne pour qu’on les distingue, l’un noir, l’autre blanc. Les deux sexes ne sont pas au repos, ils sont tendus, pas du tout arrangés de main humaine, excités.C’est le fait d’un désir sauvage, un désir de nuit, un désir d’approche, un désir de sentir qu’il y a un corps, une proie, une docilité immense, une défense intense, un jeu inou^¨i à mener et qui s’est préparé pour eux ? où sont-ils le produit de son imagination, elle, la fée de son propre écartèlement, de son discours de caresses et d’inventions toutes de saveurs et parfois d’une certaine cruauté. Elle n’aime pas la cruauté, elle n’aime pas avoir mal, mais la situation scabreuse, qu’elle provoque, l’attrait qu’elle exerce pour se refuser, pour narguer, pour avoir éveillé puis laisser retomber, ellesait la créer, l’appeler.

Les deux nus l’encadrent, debout, à peine plus hauts qu’elle, elle est très grande, très formée, les seins puissants qui avancent, lourds et droits. La nuit continue, le silence peut faire croire à un décor tel qu’on oublierait les dizaines, les milliers de spectateurs, presqu’à portée de geste, qui ne respirent plus et regardent, et elle le sait. Eux, sont-ils aveugles ? Avec une symétrie de chorégraphie, ils se sont approchés d’elle, ils pourraient de leurs mains nouées lui offrir une chaise vivante, l’emmener fesses et jambes ouvertes vers le fond de la scène.Ce n’est pas ce qu’ils font. Ils lui prennent chacun une oreille et appellent ses mains à leur sexe respectif, et ainsi liés, lentement, ils s’ébranlent, elle tenue plus intimement que par des cheveux tirés et noués, et eux, le sexe pressé par ses doigts, ses ongles se rejoignant si fort qu’ils en saigneraient. Ainsi vont-ils… Elle bailla, l’histoire ne commençait que vraiment peu. - Alors ?

Je ne sais pourquoi, j’imaginais que tu m’avais quittée, que tu étais loin, et soudain m’apparaissaient ces deux hommes, une tenue de Carnaval, vraiment, et ils te prenaient… - M’amenaient-ils à toi ? – Je ne le savais pas ni n’en décidais, je regardais, peut-être étais-je toi ? ou l’un d’eux ? ou les deux en même temps, moi dédoublé en toi, toi et moi formant un trio ?

Ce n’est que la nuit, mais ils sont tous trois si étranges, si nus parce que c’est la nuit et que ce sont des couleurs de nuit, pour des corps de nuit, c’est-à-dire des corps qui songent, qui attendent et ne sont plus maîtres d’eux ? Qui est maître de notre corps ? Quand… - Alors ?

Il goûta puis redouta son impatience. Il la savait capable de passer d’un enjôlement félin à une colère subite, glaciale, surtout quand elle avait ses sous-vêtements noirs. On devinait déjà une veine ici ou là qui rendrait, par contraste, sa peau encore plus lisse, marmoréenne, blanche en profondeur, autonome, indépendante, invulnérable, sauf le battement d’une veine, d’une autre. Elle lui avait, en une phrase à peine, au troisième jour de leur revoir, expliqué avec sécheresse que ses manières, à lui, de l’entreprendre, de la caresser, de la palper et retourner avant de la pénétrer, la faisaient tellement languir qu’une fois son sexe en elle, elle n’avait plus envie du tout. Et sans doute même bien avant que son sexe se fut enfoncé. Il admit, parce qu’il admettait tout d’elle, et fut surpris : à peine lui disait-elle où qu’ils fussent, qu’elle avait envie de lui, d’eux rivés l’un à l’autre, et qu’il avait eu – chance ou Providence – la présence physiologique souhaitée, qu’il pouvait pénétrer en elle comme si elle-même n’était qu’un sexe, qu’une bouche, qu’un océan en permanence à appeler et auquel on arrivait par la plus mignonne et échancrée des criques. A peine au seuil, on était en plein.


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Le trio étrange s’éloigna, pâle et vaguement visible entre les arbres sur fond de nuits.Ils avancèrent un temps qu’elle ne sut pas mesurer, les sexes dans ses mains fondaient puis se reprenaient, elle sentait les hommes parfois haleter, elle supposait qu’ils eussent voulu qu’elle pressa autrement, qu’elle fit venir à la hampe de chair, puis à la racine dans les poils du pubis qu’ils avaient abondants et rèches des doigts plus doux, plus enveloppants, qui formeraient anneau et tireraient d’eux le lait en quelques gouttes ou en un jet soudain, mais elle marchait tranquillement entre eux, sensible à la piqure que chacun lui faisait en continuant de lui pincer une oreille. Elle songea qu’elle jouirait de les voir s’accroupir l’un et l’autre à ses pieds, puis tendre à elle chacun sa paire de fesses ouverte, le sexe encore dur de n’avoir ni joui ni débandé pendant leur voyage, et elle aurait enfoncé en chaque fente, jusqu’au trou, jusqu’à l’intime, le doigt le plus long de chaque main, en même temps, leur faisant peut-être alors déglutir tout leur sperme sans qu’elle les eut davantage touchés au sexe. Elle les aurait maintenus ainsi côte à côte, à ses pieds nus, eux nus, et joué d’un orteil à leur bas-ventre, à la raie terminant la colonne vertébrale, puis elle aurait conclu brusquement en les enculant avec ce qu’elle eût trouvé par terre, une branche, une pierre un peu longue, pas trop épaisse, branche rugueuse qui rape et écorche, pierre froide qui s’insinue et occupe, elle aurait contemplé les objets ainsi plantés et que le tressaillement des deux hommes à l’intromission aurait fait quelque temps frémir. C’aurait été deux pantins, dans la nuit, respirant fort, l’un plus visible et précis que l’autre, celui peint en blanc, elle n’aurait pas pensé qu’ils aient alors une âme, des envies, une douleur, ni même un sexe de garçon fait pour le puits chaud et alléchant d’une fille, d’une femme. Elle les eût fait se remettre debout, et ils auraient eu devant elle à se débarrasser de ce qui les pénétrait par derrière et de leur envie de jouir par devant, en frères jumeaux, en réplique que donne un miroir, ils se seraient masturbés et à hauteur de ses cuisses, elle aurait senti la chaleur des gouttes épaisses sur sa peau. Elle se serait détournée, aurait disparu, maîtresse de ses ravisseurs en s'étant dit que ce n’était donc que cela, un rêve bizarre en noir et blanc.

Mais leur marche continue, le sol, à son étonnement, est doux à la plante des pieds, des odeurs se développent et s’éveillent, les entourent et s’enroulent spécialement autour d’elle, tandis qu’ils vont ainsi sans regard ni voix ; c’est la nuit, mais il y a quelqu’artifice à rencontrer autant de parfums, d’odeurs de terre, d’herbes, de feuillages mouillés ou secs d’un moment à l’autre sans que rien ne se fasse entendre, ni branche qui se brise à leur pas, ni quelque animal fuyant leur arrivée. Une sorte de nage de conserve, pour une trinité étrange.

Elle songea qu’elle jouirait… non, elle ne jouirait pas, elle regarderait froidement, sans détacher les yeux de ce qu’elle aurait choisi de regarder, décidant du paysage, des mouvements, de l’inanimé et de la chair humaine ; elle imagine et se donne des images pour tromper l’ennui, elle est sèche et indifférente, elle s’imagine : elle-même dédoublée, tandis qu’elle sent qu’au contraire ses compagnons ne sont qu’artificiellement indifférents, ce sont eux qui l’ont choisie, pourquoi ? Leur intérêt est visible, quoique leurs gestes, leur maintien soient automatiques. Mais justement ! Sa curiosité n’est pas érotique, elle n’est plus une fille, elle sait… quoi ? mais pourquoi l’ont-ils choisie, remarquée et emmenée ainsi dans un autre âge, dans une nuit différente des nuits de son époque, de celles qui suivent, suivaient d’ordinaire ses journées, des journées qui n’étaient à elle que par convention, la grammaire donne des possessifs, mais journée et nuit sont à qui ? Il lui semble que cette nuit lui appartient, c’est nouveau, elle rêve. Ils ne parlent pas, elle n’apprécie guère qu’on la force à parler par de l’intérêt qu’elle croit feint, ou par trop de questions, elle est banale, se veut banale mais la nuit et cette course lente ne le sont pas. La nudité n’y fait que peu, il y a autre chose, qu’elle sent proche de s’éclaircir en elle. Elle perçoit soudainement, et s’en étonne, elle n’a pas froid, alors qu’ils sont nus, que la nuit est avancée, la forêt plutôt humide. Ni chaud, la marche les entretient dans une chaleur autonome, qui leur serait donnée en sus du silence qu’ils observent et qui leur plaît. C’est leur point commun, ils marchent, ils marchent en silence, et n’hésitent pas. Les bras, les siens, les leurs, tombent, il fait tout à coup très doux, celui qui est peint de noir souffle sur un doigt approché de ses lèvres, se taire, continuer, ils ne sont plus libres, aussi se sont-ils détachés les uns des autres. Elle les observe, ils ont ralenti tous trois, occupés à faire que les mains lâchent leur prise, des mains engourdies. Le sang leur bat comme s’ils avaient couru ou comme s’ils étaient déjà à s’étreindre, mais entend-on taper son cœur quand on est deux ? et ils sont trois, elle ne sait s’ils sont vraiment complices, ses deux ravisseurs. Prédateurs, compagnons, protecteurs, elle est désorientée et se détache de ces questions, quelle importance. Ces heures ou ces minutes ne changent rien à sa façon d’être toujours intérieure à elle-même, guère vulnérable. Elle marche entre eux deux, quelle différence avec dormir seule ou au côté d’un homme, prétendûment son mari ? Elle prononce le mot d’une façon bizarre, comme s’il n’existait pas dans sa langue. Avoir d’être possédée, avoir un mari ? avoir du droit sur quelqu’un ? ou bien s’être fermée à tout autre ? ou à un autre ?

créé le mardi 7 mars 2000 – imprimé le lundi 3 avril 2000 – relu le jeudi 16 Août 2007

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